Frédéric Tordo – Psychologue clinicien et psychanalyste
Sexe, transparence digitale et confinement Frédéric Tordo Comment peut-on décrire les premières étapes, sur le plan psychique, du confinement ? • Les premiers temps du confinement physique et spatial de mars 2020 ont été des moments de sidération pour le patient. Sidération devant un impensable : que le monde ne s’arrête de tourner en l’espace d’une semaine. C’est un impensable. • Nous avons pu observer des réactions de déni par rapport à cette réalité : avec des individus qui continuent de sortir dans la rue, se regroupent dans des parcs, dans la bonne humeur, l’insouciance, voire dans l’euphorie un peu maniaque. • Cependant, assez rapidement pour la plupart des individus et de mes patients, ce premier choc, lié à l’impensable, a laissé la place à de fortes angoisses, et à la peur, qui sont venues dépasser les capacités d’adaptation de la personne. • Ce qui nous renvoie d’emblée au travail de Jean Rivolier, qui a développé le terme de « syndrôme mental d’hivernage » (1989), pour décrire la réaction psychique des hivernants, et leur évolution. • Ce syndrome comprend une stratégie d’adaptation, qui évolue en suivant différentes étapes au cours de l’hivernage. • Cette phase anxieuse que nous évoquons à propos du confinement, en relation avec un contexte sanitaire difficile à appréhender, correspond à ce que Rivolier, en accord avec la description du syndrome général d’adaptation (Selye, 1936), nomme la phase d’alarme. • C’est une phase de stress aigüe, qui est lié à l’absence de préparation à la nature de la crise sanitaire que rencontre la société. • Pour autant, nous verrons ensemble que le confinement actuel ne peut pas se réduire à cette description d’un syndrome d’hivernage, pour de nombreuses raisons que nous évoquerons. • Dans tous les cas, le confinement crée un sentiment d’impuissance à agir sur l’environnement. C’est aussi pourquoi, parmi bien d’autres raisons, les soignants sont pourvus de tous les attributs des héros : ce sont les seuls dans l’espace social qui ont encore le pouvoir d’agir avec leur corps. Parce que le confinement crée un clivage inédit : entre ceux qui font quelque chose de symbolique avec leur corps, et ceux qui ne peuvent plus rien en faire.